Ami, vois-tu là-bas, sous
ce nuage sombre, cet étrange vaisseau qui s'avance dans l'ombre, Et qu'un
souffle inconnu fait bondir sur les eaux? d'un vent mystérieux ses voiles
semblent pleines!... et pourtant les zéphirs retiennent leurs
haleines: Dans un calme profond, au loin dorment les flots.
Qu'à-t-il donc à son bord ce vaisseau des ténèbres? Il porte du tombeau
tous les signes funèbres; un silence de mort sur les ondes le suit. Seul
un glas triste et lent parfois s'y fait pendre L'humide pesanteur des brumes
de la nuit.
Au milieu des rochers de la stérile plage Gisent des os blanchis, jetés
par le naufrage, Sous les brouillards épais du sombre Labrador. La lune,
en éclairant ces lieux impitoyables, Découvre avec horreur ces reste
lamentables, que les flots irritée se disputent encore. | C'est là que cette barque en sa course nocturne Va cueillir en passant la
troupe taciturne Qui semble maintenant à son bord se mouvoir. Une flamme
bleuâtre à demi les éclaire, Et jamais la rosée, au morne cimetière Ne
tomba sur des fronts plus livide à voir.
C'est à l'Ile-des-Morts qu'un vent fatal les guide, C'est à
l'Ile-des-Morts que s'avance rapide Cet ombre de vaisseau par des ombres
conduit: des squelettes sont là déroulant à la brise la siniste voilure;
une forme indécise Debout veille à la poupe, et la barque obéit !
Fuis, ô barque terrible ! ô Barque de mystère ! Fuyez pendant que l'ombre
enveloppe la terre. Fantômes de la nuit, rentrez vite au cercueil, De peur
qu'à votre aspect la jeune et tendre aurore Ne dépouille son front de l'éclat
qui la dore, Et se cache à jamais sous un voile de deuil. |